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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/187

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DE LA VICTOIRE DU BON PRINCIPE SUR LE MAUVAIS

talité, puisque la forme même d’une Église cesse d’exister, du fait que le lieutenant de Dieu sur la terre avec tous les humains qu’il a élevés jusqu’à lui, en qualité de citoyens célestes, forment une seule classe, et puisque Dieu est ainsi tout dans tout[1].

Cette représentation du monde à venir, qui nous est donnée sous la forme d’une narration historique, sans être elle-même une histoire, est un bel idéal de l’univers converti enfin tout entier à la moralité, ainsi que le prévoit la foi, grâce à l’introduction de la vraie religion universelle, d’une période morale arrivée à sa perfection, non pas à la perfection empirique que nous pourrions embrasser d’un coup d’œil (absehen), mais à la perfection que nous devons toujours avoir devant les yeux (hinaussehen) dans notre marche continue et dans nos progrès vers le plus grand bien réalisable sur la terre, c’est-à-dire vers le plus grand bien que nous puissions travailler à atteindre (et il n’y a ici rien de mystique, tout cela naturellement se rapportant à la façon morale). L’apparition de l’Antéchrist, le millénarisme, la prédiction de la fin du monde imminente peuvent avoir aux yeux de la raison un sens symbolique excellent ; et l’idée de la fin du monde considérée comme un événement impossible

  1. Cette expression peut vouloir dire (laissant à part ce qu’elle contient de mystérieux, ce qui dépasse en elle toutes les limites de l’expérience possible et se rapporte simplement à l’histoire sainte de l’humanité, sans nous concerner, par suite, pratiquement sous aucun rapport) que la foi historique qui, en sa qualité de croyance d’Église, a besoin d’un livre sacré pour servir de lisière aux hommes, mais qui, justement pour cela, entrave l’unité et l’universalité de l’Église, s’éteindra d’elle-même et cédera la place à une foi religieuse pure qui brillera pour tout le monde également ; c’est à faire arriver ce jour qu’il nous faut travailler dès maintenant avec application, en dépouillant constamment la religion pure de la raison de cette enveloppe qui pour le moment, lui est encore indispensable.

    [Il faut vouloir, non qu’elle disparaisse (car peut-être il se peut qu’elle soit toujours utile et nécessaire comme véhicule), mais qu’elle puisse. disparaître ; c’est seulement ainsi que l’on peut se croire arrivé à le fermeté intérieure de la foi morale pure *.]

    * Ce dernier passage est une addition de la seconde édition.