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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/217

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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

à-dire travaille son bien dans un esprit désintéressé de bienveillance envers lui ; ces deux commandements ne sont pas seulement des lois de la vertu, mais aussi des préceptes relatifs à la sainteté vers laquelle nous devons tendre et par rapport à quoi l’effort, à lui seul, se nomme vertu. — À ceux qui croient pouvoir, les bras croisés et d’une façon tout à fait passive, attendre que ce bien moral leur tombe du ciel comme une autre manne, il dénie tout espoir. Laisser improductive la disposition naturelle au bien inhérente à notre nature (à titre de talent dont elle a le dépôt) et compter paresseusement sur une influence morale plus élevée qui viendra compléter quand même ce qui nous manquera en qualités et en perfection morales, c’est encourir la menace qui nous est faite de ne voir tenir aucun compte, précisément pour cette négligence, même du bien que nous aurons pu accomplir par simple disposition naturelle (XXV, 29).

D’autre part, en réponse à l’attente très naturelle qui porte l’homme à espérer, sous le rapport de la félicité, un sort approprié à sa tenue morale, étant donné surtout tant de sacrifices pénibles rendus nécessaires par la vertu, il lui dit qu’une récompense l’attend dans un monde futur (V, 11, 12) ; mais cette récompense sera différente des uns aux autres comme les intentions qui auront dicté leur conduite : ceux qui auront fait leur devoir en vue de la récompense promise (ou encore en vue d’échapper à un châtiment mérité) seront distingués des hommes meilleurs qui auront accompli leur devoir uniquement par amour du devoir. L’homme qui a pour maître l’égoïsme, Dieu de ce monde, mais qui, sans renoncer à cet intérêt personnel, se borne, par raison, à lui enlever son aspect grossier et l’étend par delà l’étroite limite de cette vie, nous est représenté (Luc, XVI, 3-9) comme un intendant qui trompe son maître en se servant de ce maître lui-même, auquel il arrache des sacrifices qui ont le devoir pour objet. Lorsqu’il

Kant. — Religion. 13