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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/236

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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

produire, que peut-être même ils sont nécessaires, pour suppléer à l’imperfection de nos aspirations morales ; par ailleurs, nous sommes impuissants à rien déterminer relativement à ses caractères et encore plus à rien faire pour produire la grâce en nous.

L’illusion où l’on est de pouvoir, par des actes religieux cultuels, travailler, si peu que ce soit, à sa justification devant Dieu, porte le nom de superstition religieuse ; de même, l’illusion qui consiste à vouloir arriver à ce but par une aspiration à un prétendu commerce avec Dieu est l’extravagance religieuse. ― C’est une folie superstitieuse que de vouloir être agréable à Dieu par des actions que tout homme peut accomplir sans avoir besoin d’être homme de bien (par la profession, v. g., d’articles de foi positifs, par la fidélité à l’observance ecclésiastique de même qu’à la discipline, etc.). On l’appelle superstitieuse parce qu’elle a recours à de simples moyens physiques (et non moraux) qui ne sauraient avoir absolument aucun effet par eux-mêmes sur une chose qui n’est pas d’essence physique (c’est-à-dire sur le bien moral). ― Mais une illusion se nomme extravagante quand le moyen même qu’elle imagine, étant de nature suprasensible, ne se trouve pas au pouvoir de l’homme, sans qu’il soit besoin de considérer l’impossibilité d’atteindre la fin suprasensible que l’on vise par ce moyen ; car pour avoir ce sentiment de la présence immédiate de l’Être suprême et pour distinguer un tel sentiment de n’importe quel autre, même du sentiment moral, l’homme devrait être capable d’une intuition pour laquelle il n’est point de sens dans sa nature. ― La folie superstitieuse, contenant un moyen en lui-même capable de servir à plusieurs sujets et de leur permettre au moins de lutter contre les obstacles opposés chez eux à une intention agréable à Dieu, est, à ce titre, apparentée à la raison et n’est qu’accidentellement condamnable, du fait qu’elle transforme en objet agréable immédiatement à Dieu ce qui ne peut être qu’un pur moyen ; en