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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/237

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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

revanche, l’illusion religieuse extravagante est la mort morale de la raison, sans laquelle pourtant nulle religion n’est possible, puisque toute religion, de même que toute moralité, d’une manière générale, doit se fonder sur des principes (Grundsätze).

Pour écarter ou prévenir toute illusion religieuse, une foi ecclésiastique doit donc se faire une règle fondamentale (Grundsatz) de contenir, outre les dogmes positifs dont, pour l’instant, elle ne peut pas se passer entièrement, encore un principe (Princip) qui fasse de la religion de la bonne conduite le vrai but où l’on doit viser, afin qu’on puisse un jour se passer des dogmes en question.

§3. ― Du sacerdoce[1] en tant que pouvoir consacré au faux culte du bon principe.

L’adoration d’êtres invisibles et puissants, arrachée à l’homme en détresse par la crainte naturelle basée sur le sentiment de son impuissance, ne donna pas, de prime abord, naissance à une religion, mais bien à un culte servile de Dieu (ou des dieux) ; puis ce culte reçut une certaine forme officielle et légale qui en fit un culte de temples, mais il ne devint un culte d’églises que lorsque, peu à peu, aux lois qui le réglaient eut été reliée la culture morale des hommes ; sous ces deux formes, il reposait sur une croyance histo-

  1. [Ce terme (Pfaffentum) ne désignait que l’autorité propre à un père spirituel (πάπα), mais il a pris la signification d’un blâme simplement parce qu’on y joint l’idée de ce despotisme spirituel qui peut se rencontrer dans toutes les formes d’Églises, si dépouillées de prétentions et si populaires qu’elles se donnent. Aussi, qu’on n’aime pas se méprendre sur ma pensée ; je ne veux nullement établir de comparaison entre les différentes sectes, ni déprécier l’une au profit des autres en en rabaissant les usages ou les ordonnances. Toutes méritent un égal respect, en tant que leurs formes sont des essais par lesquels les pauvres mortels ont voulu se rendre sensible le règne de Dieu sur la terre ; mais toutes sont également blâmables quand elles tiennent pour la chose même la forme sous laquelle est représentée cette Idée (dans une Église visible).] Addition de la 2e édition.