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Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/262

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LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

de grâce en certains usages, qui, cependant, dans tous ces cultes, ne se rapportent pas, comme dans le christianisme, aux concepts pratiques de la raison et aux sentiments qui leur sont conformes (c’est le cas, par exemple, dans la foi musulmane des cinq grands préceptes : les ablutions, la prière. le jeûne, l’aumône, le pèlerinage à la Mecque ; il serait convenable d’en excepter l’aumône, si elle procédait d’un vrai sentiment vertueux, et en même temps religieux, de nos devoirs envers l’humanité : ce qui la rendrait assurément digne d’être regardée effectivement comme un moyen de mériter la grâce ; mais étant donné, au contraire, qu’elle peut, dans cette croyance, s’allier au larcin, qui arrache à d’autres les dons que, dans la personne des pauvres, on offre en sacrifice à Dieu, l’aumône n’est pas digne d’être ainsi mise à part).

Trois sortes de foi illusoire peuvent naître, en effet, pour nous .dès que nous dépassons les limites de la raison par rapport au surnaturel (qui, d’après les lois rationnelles, n’est un objet ni de l’usage théorique, ni de l’usage pratique). C’est, premièrement, la croyance à la connaissance empirique de choses qu’il nous est pourtant impossible de regarder comme arrivant conformément aux lois [objectives] de l’expérience (la croyance aux miracles) ; deuxièmement, l’illusion par laquelle nous nous considérons comme obligés d’admettre, parmi nos concepts rationnels, des choses dont pourtant nous sommes incapables, de nous-mêmes et par la raison, d’arriver à avoir l’idée, parce que nous les estimons nécessaires à notre perfection morale (la croyance aux mystères) ; troisièmement, l’illusion qui nous porte à croire que par l’emploi de simples moyens naturels nous pouvons produire un effet qui reste pour nous un mystère, c’est-à-dire provoquer l’influence de Dieu sur notre moralité (la croyance aux moyens de grâce). ― Les deux premières sortes de croyance artificielle ont fait l’objet des deux remarques générales qui servent d’appendice aux deux