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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/155

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Mais dans leur être brûle une flamme éternelle, ils voudraient fuir la vie mesquine, ils courent après l’idéal et ils sont déchirés à belles dents par des gens qui ne savent même pas quel trésor ils foulent aux pieds. Et lorsque ce sont des poètes de vocation, c’est pire encore. Alors on leur adresse « les plus grands éloges » pour leurs sonnets ; mais viennent-ils à se plaindre de leurs souffrances réelles, — on rit, on hoche la tête, et on « ne leur dit rien ». C’est là de l’histoire vieille comme le monde, mais toujours vraie. C’est l’histoire triste et véridique des souffrances d’une nature artiste en lutte avec la réalité ; elle est chère à tous ceux qui ont souffert tant soit peu les mêmes souffrances et qui peuvent les ressentir. Et celui qui peut les dépeindre ainsi est un poète lui-même ; il comprend parfaitement un autre poète, comme George Sand comprenait Musset, lorsque, en 1833, elle écrivait Aldo.

George Sand écrivit Gabriel au commencement de 1839, à son retour de Majorque, pendant qu’elle s’était arrêtée à Marseille avec Chopin, malade, d’où elle fit une course de quelques jours à Gênes. Déjà en 1837, la forêt de Fontainebleau lui avait rappelé son amour pour Musset et son voyage à Venise, et c’est alors, comme nous l’avons dit, qu’elle écrivit un de ses contes vénitiens : La dernière Aldini. Gênes, la première ville italienne, où, en 1833, étaient arrivés les jeunes amants heureux. Gênes réveilla aussi en George Sand ses doux souvenirs de jeunesse, et revenue à Marseille, elle écrivit Gabriel.

Gabrielle est la petite-fille du vieux duc Jules de Bramante. Celui-ci avait deux fils : l’ainé — fils docile, — n’avait point d’héritier ; le cadet — enfant prodigue —, avait un fils nommé Astolphe. Le vieillard n’aurait jamais consenti que l’héritage passât à la branche cadette.