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Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/39

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que la jolie nuque d’une jeune fille aperçue au théâtre, lui inspira sa jolie poésie : Une soirée perdue. Et la chute des d’Orléans, avec qui il était lié depuis son enfance par les liens d’une amitié intime (il avait fait ses études avec le duc de Chartres), passa pour lui tout à fait inaperçue. Il semblerait que 1848 et 1852 eussent dû soulever sa colère ou ses regrets, et se refléter dans ses vers. Il n’en fut rien, tout lui fut égal ; il dit même un jour à son frère, en plaisantant, qu’il s’intéressait plus à la manière dont Napoléon Ier mettait ses bottes, qu’à toute la politique contemporaine de l’Europe.

Ce confinement, cette claustration voulue dans le cercle de ses sentiments et de ses intérêts personnels ont-ils fatigué Musset, ou comme toutes les âmes poétiques a-t-il vu, de bonne heure, la triste contradiction entre nos rêves et la réalité ? Ce qui est positif, c’est que déjà sur les bancs de l’école il s’était senti atteint de ce « mal consacré » qui, à l’aurore de notre siècle se nommait Weltschmerz, s’appela ensuite byronisme, pessimisme, mal qui existe encore de nos jours, et qui vraisemblablement ne mourra jamais chez les hommes. Comme beaucoup d’autres, Musset, sous l’influence de ses désolants raisonnements, tombait parfois dans un profond désespoir et cherchait, hélas ! l’oubli dans le vin, dans tout ce qui peut endormir.

Une des erreurs les plus répandues, une de ces légendes auxquelles on ne devrait pas croire, mais auxquelles les lecteurs se prêtent si volontiers parce que les biographes de Musset se plaisent à l’affirmer avec opiniâtreté, c’est la croyance que Musset ne se serait mis à boire qu’ « après » s’être séparé d’avec George Sand, que celle-ci est, par conséquent, la cause ou le motif du développe-