Aller au contenu

Page:Karenin - George Sand sa vie et ses oeuvres T2.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment de cette funeste habitude, qui, avec les années, devint un vice. Plus rarement, quelquefois cependant, des personnes qui connaissent parfaitement la vie de Musset rejettent cette accusation sur Mme de Groiselliez, cette charmante inconnue dont Paul de Musset parle à mots couverts, disant bien vaguement qu’elle habitait à Saint-Denis, qu’elle avait été le premier amour d’Alfred et la première femme qui ait porté ses regards sur le jeune poète. — De plus, nous savons qu’elle eut la cruauté de se servir de l’amour timide du jouvenceau inexpérimenté comme d’un écran pour détourner l’attention du monde d’un autre amour beaucoup moins innocent, en un mot, qu’elle aurait fait jouer à Musset le rôle de Fortunio dans le Chandelier (c’est ce qui aurait fait naître alors chez Musset l’idée de cette comédie). Indignement offensé, blessé en son âme du rôle ridicule qu’elle lui avait attribué, le jeune homme, dans un accès de désespoir, aurait cherché l’oubli dans la boisson. — C’est ce passage de Paul de Musset qui a porté beaucoup de personnes à rendre Mme de Groiselliez responsable de la funeste habitude qu’aurait dès lors contractée Alfred, comme si un insuccès en amour devait nécessairement porter un homme à chercher l’oubli dans les « fumées du vin ». Ne se met à boire que celui qui a un penchant pour le vin ou qui y est porté par quelque particularité de son organisme ; ce penchant, nous le trouvons déjà chez Musset dès son plus jeune âge. Presque enfant encore, à dix-sept ans, il rêve déjà de chercher l’oubli dans n’importe quelle ivresse. Le 23 septembre 1827, il écrit à son ami Paul Foucher : « Je t’écris pour te faire part de mes dégoûts et de mes ennuis… Je n’ai plus le courage de rien penser. Si je me trouvais dans ce moment-ci à Paris, j’éteindrais ce qui me reste d’un peu noble dans le punch