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Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/131

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vres du cantonnier nous avions oubliée. Elle montait sa machine avec constance et sans regarder ni à droite ni à gauche, poussant en ligne directe à travers un torrent provenant du tuyau. Elle semblait paralysée au point de ne pouvoir ni descendre de sa bicyclette, ni changer la direction. Elle était de plus en plus trempée, car l’homme au tuyau, qui devait être aveugle ou ivre, continuait à l’arroser avec une parfaite indifférence. Une douzaine de voix se mirent à l’invectiver, ce qui le laissa impassible.

Les sentiments paternels de Harris, profondément remués, lui dictèrent alors une conduite raisonnable et appropriée aux circonstances. S’il avait continué à montrer le même sang-froid, il eût été le héros du jour, au lieu d’avoir à se sauver, ainsi qu’il fit, sous les huées. Sans un moment d’hésitation il se dirigea sur l’homme, sauta à terre et, saisissant la lance par l’embouchure, il essaya de la lui arracher.

Ce qu’il aurait dû faire et ce que tout homme réfléchi eût fait, c’eût été de fermer le robinet dès qu’il eut pris l’appareil en main. C’est alors qu’il aurait pu disposer du cantonnier comme d’un football, ou bien comme d’une balle de tennis, à sa guise ; et il aurait eu l’approbation des vingt ou trente personnes accourues pour voir la scène. Il avait été guidé par le désir, comme il nous l’expliqua plus tard, de saisir le tuyau et de diriger un jet vengeur sur l’imbécile en personne. L’arroseur