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Page:Klapka - Trois Hommes en Allemagne, traduction Seligmann, 1922.djvu/259

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nos bicyclettes vers Munster, par Vieux-Brisach et Colmar, d’où nous commençâmes une petite exploration vers la chaîne des Vosges où l’humanité s’arrête ; du moins telle est l’opinion de l’empereur d’Allemagne actuel. Vieux-Brisach est une forteresse, construite anciennement parmi les rochers, tantôt d’un côté du Rhin, tantôt de l’autre (car le Rhin dans sa prime jeunesse ne semble pas avoir bien su trouver son chemin), qui a dû, surtout dans les temps lointains, plaire comme résidence aux amateurs de changements et d’imprévu. Qu’une guerre fût déclarée pour une cause quelconque et contre n’importe quels adversaires, Vieux-Brisach en était toujours. Tous l’assiégèrent, la plupart des peuples le conquirent ; la majorité d’entre eux le perdirent à nouveau ; personne ne parut capable de s’y maintenir. L’habitant de Vieux-Brisach n’a jamais été à même d’affirmer avec certitude de qui il était le sujet et de quel pays il dépendait ; subitement devenu français, il avait à peine eu le temps d’apprendre assez de français pour savoir payer ses impôts que déjà il devenait autrichien. Le temps qu’il s’appliquât à découvrir ce qu’il fallait faire pour être un bon sujet autrichien, il s’apercevait qu’il ne l’était plus, et se voyait sujet allemand ; mais dire auquel des douze États il appartenait resta pour lui un problème insoluble. Un matin il se réveillait catholique fervent, le lendemain protestant. La seule chose qui dut donner quelque stabilité à son exis-