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Page:Koschwitz - Les Parlers Parisiens, 1896.pdf/124

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D’où vient, messieurs, que Voltaire et les meilleurs d’entre les philosophes de son temps furent déistes? Le christianisme était-il donc dépassé? Le déisme arrivait-il à son heure, comme la nouvelle conception religieuse qui répondait à un développement nouveau de l’esprit humain? … Et qu’y avait-il donc entre l’Évangile et le XVIIIe siècle?

Ce qu’il y avait? La vision funèbre qui Voltaire a pris soin de nous décrire. Vous savez, dans ces allées si vertes et si riantes où se promenaient les sages, et où il allait lui-même de Numa à Pythagore, de Pythagore à Socrate: des monceaux d’os blanchis, des hommes massacrés par milliers au nom de Jésus-Christ! Et quand, sur la colline qui domine tout, il rencontre enfin le jeune homme doux et simple, aux mains meurtries et gonflées, au regard mélancolique fixé sur tant de victimes: «Vous n’avez donc contribué en rien, lui demande-t-il avec anxiété, par vos discours ou mal rendus, ou mal interprétés, à ces monceaux affreux d’ossements que j’ai vus sur ma route en venant vous consulter?» Eh bien, j’ignore si la réponse négative de Jésus le convainquit pleinement; mais ce que je sais, c’est que la vision des charniers des chrétiens, comme il les appelle, hanta jusqu’à la fin son imagination, et qu’il ne put se décider à voir dans un maître si mal compris ou si mal obéi autre chose qu’«un Socrate rustique; un théiste israélite, ainsi que Socrate fut un théiste athénien.»