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Page:Koschwitz - Les Parlers Parisiens, 1896.pdf/64

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C’était un homme de petite condition, de petite vie, mieux qu’un ouvrier cependant; comptable peut-être, ou bien garçon de bureau quelque part. Il paraissait soixante ou soixante-cinq ans. Sa tête, toute petite, au bout d’un long cou, était ridée et chétive. Les yeux, sans cils, avec des paupières rouges, étaient constamment baissés, regardant en face et en dessous on ne sait quoi de fixe et d’invisible qui semblait le contrarier. Sa barbe grise, coupée très ras, faisait des ravins dans le creux de chaque ride et suivait le modelé de sa maigre mâchoire. Il avait un chapeau très lustré et trop haut, de forme archaïque, trop large aussi, car il lui descendait presque sur les yeux et n’étaient toutes rabattues. Son col, trop ouvert, avait trop d’emplois. Ses mains aux veines saillantes et violettes, aux ongles cassés, se croisaient sur son parapluie à crosse de cornaline. L’air soucieux, il semblait supputer ses frais perdus, ses affaires trempées et frippées; il regrettait aussi les bonnes habitudes quotidiennes de sa vie misérable, auxquelles il avait été brusquement arraché par quelque solennité sans doute indispensable, quelque fête, ou plutôt quelque enterrement d’ami; — car ils étaient tous deux scrupuleusement en noir, et ils avaient joint l’omnibus aux environs du Père-Lachaise.

La femme paraissait bien plus jeune que le mari, autant qu’on en pouvait juger sans distinguer les formes de son corps,