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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/156

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Si nous nous transportons à une autre extrémité du continent, en Espagne, nous y trouvons une situation analogue. D’une part, comme en Andalousie et dans la province de Valence, où la propriété foncière s’est concentrée en peu de mains, des légions de paysans affamés, ligués entre eux, font une guerilla sans trêve ni merci aux seigneurs. À la faveur d’une nuit sombre, les troupeaux du propriétaire sont exterminés, les plantations d’arbres brûlées sur des centaines d’hectares à la fois ; les granges flambent, et celui qui dénonce aux autorités les auteurs de ces actes, ainsi que l’alcalde qui ose les poursuivre, tombe sous les couteaux de la ligue. Dans la province de Valence, c’est la grève en permanence des petits fermiers pour le refus des rentes, et gare à celui qui oserait faire défaut à cet engagement mutuel ! Une forte organisation secrète, par des proclamations affichées de nuit sur les arbres, rappelle constamment aux conjurés que s’ils trahissaient la cause générale, ils seraient cruellement punis par l’extermination de leurs moissons et de leurs troupeaux, et souvent aussi par la mort.

Dans les pays où la propriété est plus morcelée, c’est l’État espagnol lui-même qui se charge de provoquer le mécontentement. Il écrase le petit propriétaire d’impôts, nationaux, provinciaux, municipaux, ordinaires et extraordinaires, si bien que c’est par dizaines de mille que se chiffre le nombre des petites fermes confisquées par l’État et mises aux enchères sans trouver d’acheteurs. La population des campagnes est complètement ruinée dans plus d’une province, et c’est la famine qui pousse des bandes de paysans à se rassembler et à se révolter contre les impôts.