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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/195

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Il est vrai que la Chambre peut renverser ce ministère, mais pour quoi faire ? — Pour en nommer un autre qui serait investi des mêmes pouvoirs, et qu’elle serait forcée de renverser dans huit jours si elle était conséquente ? Aussi, préfère-t-elle le garder jusqu’à ce que le pays crie trop fort, et alors, elle le renvoie, pour rappeler celui qu’elle avait renversé il y a deux ans. Elle fait ainsi la bascule : Gladstone — Beaconsfield, Beaconsfield — Gladstone, ce qui au fond ne change rien ; le pays est toujours gouverné par un homme, le chef du cabinet.

Mais, quand elle tombe sur un homme habile, qui lui garantit « l’ordre », c’est-à-dire l’exploitation au dedans et des débouchés à l’extérieur — alors elle se soumet à tous ses caprices, elle l’arme toujours de nouveaux pouvoirs. Quel que soit son mépris de la Constitution, quels que soient les scandales de son gouvernement, elle les subit ; si elle le chicane sur des détails, elle lui donne carte blanche dans tout ce qui a de l’importance. Bismarck en est un exemple vivant ; Guizot, Pitt et Palmerston le furent pour les générations précédentes.

Cela se comprend : tout gouvernement a une tendance à devenir personnel ; c’est son origine ; c’est son essence. Que le parlement soit censitaire ou issu du suffrage universel, qu’il soit nommé exclusivement par des travailleurs et composé de travailleurs, il cherchera toujours l’homme auquel il puisse abandonner le soin du gouvernement, auquel il puisse se soumettre. Tant que nous confierons à un petit groupe toutes ces attributions économiques, politiques, militaires, financières, industrielles, etc., dont nous l’armons aujourd’hui, ce petit groupe tendra