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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/265

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aboli déjà. Et cependant, même à cette époque, où la révolution roulait librement ses vagues, c’est encore le contre-révolutionnaire Brissot qui avait toutes les chances d’être acclamé dictateur ! Et qu’eût-ce été auparavant, en 1789 ? — C’est Mirabeau qui eût été reconnu chef du pouvoir ! L’homme qui faisait un marché avec le roi pour lui vendre son éloquence, — voilà qui eût été porté au pouvoir à cette époque, si le peuple insurgé n’avait imposé sa souveraineté, appuyée sur les piques, et s’il n’avait procédé par les faits accomplis de la Jacquerie, en rendant illusoire tout pouvoir constitué à Paris ou dans les départements.

Mais, le préjugé gouvernemental aveugle si bien ceux qui parlent de dictature, qu’ils préfèrent préparer la dictature d’un nouveau Brissot ou d’un Napoléon, que de renoncer à l’idée de donner un autre maître aux hommes qui brisent leurs chaînes !




Les sociétés secrètes du temps de la Restauration et de Louis-Philippe ont puissamment contribué à maintenir ce préjugé de dictature. Les bourgeois républicains de l’époque, soutenus par les travailleurs, ont fait une longue série de conspirations pour renverser la royauté et proclamer la République. Ne se rendant pas compte de la transformation profonde qui devait s’opérer en France, même pour qu’un régime républicain bourgeois pût s’établir, ils s’imaginaient qu’au moyen d’une vaste conspiration, ils renverseraient un jour la royauté, s’empareraient du pouvoir et proclameraient la République. Pendant près de trente ans,