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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/27

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mique, si elle devient une impérieuse nécessité dans le domaine politique, elle s’impose bien plus encore dans le domaine moral.

Sans liens moraux, sans certaines obligations, que chaque membre de la société se crée vis-à-vis des autres et qui bientôt passent chez lui à l’état d’habitudes il n’est point de société possible. Aussi retrouvons-nous ces liens moraux, ces habitudes sociables, dans tous les groupes humains ; nous les voyons très développés et rigoureusement mis en pratique chez les peuplades primitives, débris vivants de ce que l’humanité entière fut à ses débuts.

Mais l’inégalité des fortunes et des conditions, l’exploitation de l’homme par l’homme, la domination des masses par quelques-uns, sont venues miner et détruire dans le cours des âges ces produits précieux de la vie primitive des sociétés. La grande industrie basée sur l’exploitation, le commerce basé sur la fraude, la domination de ceux qui s’intitulent « Gouvernement », ne peuvent plus coexister avec ces principes de morale, basés sur la solidarité de tous, que nous rencontrons encore chez les tribus refoulées sur les confins du monde policé. Quelle solidarité peut-il exister en effet entre le capitaliste et le travailleur qu’il exploite ? entre le chef d’armée et le soldat ? le gouvernant et le gouverné ?

Aussi voyons-nous qu’à la morale primitive, basée sur ce sentiment d’identification de l’individu avec tous ses semblables, vient se substituer la morale hypocrite des religions ; celles-ci cherchent, par des sophismes, à légitimer l’exploitation et la domination, et elles se bornent seulement à blâmer les manifestations les plus brutales de l’une et de l’autre. Elles relèvent l’in-