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Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/337

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Ce fait si simple qui se résume en deux mots : « Point d’agriculture sans fonds de réserve » contient tout un enseignement auquel les « nationalisateurs du sol » feraient bien de réfléchir.

Que demain les partisans de M. Henry George parviennent à déposséder tous les lords anglais de toutes leurs propriétés ; qu’ils distribuent ces terres, par petits lopins, à tous ceux qui voudront les cultiver ; que les prix de bail soient aussi réduits que l’on voudra, ou même nuls ; — il y aura un surcroît de bien-être pendant vingt à trente ans ; mais au bout de trente ans tout sera à recommencer.

La terre demande beaucoup de soins. Pour obtenir des vingt-neuf hectolitres de froment par hectare comme on le fait au Norfolk, et jusqu’à trente-six et quarante-deux hectolitres, — une pareille récolte n’est plus du roman, — il faut épierrer, drainer, approfondir le sol, il faut remplacer la pioche par le bissoc ; il faut acheter des engrais, entretenir les routes. Il faut enfin défricher, afin de tenir tête aux besoins croissants d’une population croissante.

Tout cela demande des dépenses et une quantité de travail que la famille ne peut pas donner seule, — et c’est pourquoi l’agriculture reste stationnaire. Pour obtenir les récoltes qu’on obtient déjà dans la culture intense, il faut dépenser quelquefois en drainage, en un mois ou deux, quatre à cinq mille journées de travail (vingt mille francs) sur un seul hectare. C’est ce que fait le capitaliste, et c’est ce que ne peut jamais faire le petit propriétaire avec le maigre magot qu’il réussit à mettre de côté en se privant de tout, de tout ce qui doit entrer dans la vie d’un être vraiment humain. La terre demande que l’homme vienne lui