Aller au contenu

Page:Kropotkine — Paroles d'un Révolté.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rêt, qui est celui de vivre sans continuelles préoccupations de l’avenir et sans l’humiliation d’obéir à des maîtres ; il faut aussi que les idées aient changé relativement à la propriété et que la morale correspondante se soit modifiée en conséquence. Il faut comprendre sans hésitation ni réticence morale, que tous les produits, l’ensemble de l’épargne et de l’outillage humain, sont dus au travail solidaire de tous et n’ont qu’un seul propriétaire, l’humanité. Il faut voir clairement dans la propriété privée ce qu’elle est en réalité, un vol conscient ou inconscient à l’avoir de tous et s’en saisir joyeusement au profit commun quand sonnera l’heure de la revendication. Lors des révolutions antérieures, lorsqu’il s’agissait de remplacer un roi de la branche aînée par un roi de la branche cadette, ou de substituer des avocats à la « meilleure des républiques », les propriétaires succédaient aux propriétaires et le régime social ne devait point changer. Aussi les affiches : « Mort aux voleurs ! » que l’on plaçait à l’entrée de tous les palais étaient-elles en parfaite harmonie avec la morale courante, et maint pauvre diable touchant à un écu du roi, ou peut-être même au pain du boulanger, fut-il fusillé, en exemple de la justice du peuple.

Le digne garde national, incarnant en lui toute l’infâme solennité des lois que les accapareurs ont rédigées pour la défense de leurs propriétés, montrait avec orgueil le cadavre étendu sur les marches du palais, et ses camarades l’acclamaient comme un vengeur du droit. Ces affiches de 1830 et de 1848 ne se reverront plus sur les murailles des cités insurgées. Il n’y a point de vol possible là où tout appartient à tous. « Prenez et ne gaspillez point, car tout cela est à