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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/292

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existe encore, devraient aussi être mentionnées[1]. Mais je me hâte de passer à la Russie, où la même tendance d’entr’aide prend certaines formes nouvelles et imprévues. De plus, pour la commune villageoise en Russie, nous avons l’avantage de posséder une somme énorme de matériaux, réunis durant la colossale enquête de maison en maison, qui a été faite récemment par plusieurs zemstvos (conseils départementaux) et qui embrasse une population de près de vingt millions de paysans dans différentes régions[2].

Deux conclusions importantes peuvent être tirées de la masse des témoignages réunis par les enquêtes russes. Dans la Russie centrale, où un tiers au moins des paysans ont été réduits à une ruine complète (par les lourds impôts, la trop petite dimension des parcelles allouées aux paysans lors de leur libération, un loyer excessif et les très sévères prélèvements de taxes après les récoltes manquées), il y eut, pendant les premières vingt-cinq années qui suivirent l’émancipation des serfs, au sein même des communes villageoises, une tendance prononcée vers la constitution de propriétés individuelles. Beaucoup de paysans ruinés, sans chevaux, abandonnèrent la terre à laquelle ils avaient droit dans la commune, et cette terre devint souvent la propriété de cette classe de paysans plus

  1. Pour la péninsule des Balkans, voir Laveleye, La propriété primitive.
  2. Les faits concernant la commune villageoise qui tiennent près de cent volumes (sur 450) de ces enquêtes ont été classifiés et résumés dans un excellent ouvrage russe par « V. V. » La commune paysanne (Krestianskaya Obschina), Saint-Pétersbourg, 1892 ; cet ouvrage, outre sa valeur théorique, est un recueil riche de faits relatifs à ce sujet. Les enquêtes dont nous venons de parler ont donné naissance aussi à un grand nombre d’ouvrages dans lesquels la question de la commune villageoise moderne sort pour la première fois du domaine des généralités et se trouve posée sur la base solide de faits suffisamment détaillés et vérifiés.