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Page:Kropotkine - L Entraide un facteur de l evolution, traduction Breal, Hachette 1906.djvu/293

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fortunés qui s’enrichissent par le commerce, ou de commerçants du dehors qui achètent de la terre pour prélever des loyers excessifs sur les paysans. Il faut aussi ajouter qu’un vice dans la loi de 1861, concernant le rachat de la terre, présentait de grandes facilités pour l’achat à vil prix des terres des paysans[1], et que presque toujours les fonctionnaires employaient leur puissante influence en faveur de la propriété individuelle et contre la propriété communale. Cependant, dans les vingt dernières années, un puissant souffle d’opposition à l’appropriation individuelle de la terre se fait sentir de nouveau dans les villages de la Russie centrale, et des efforts énergiques sont faits par la masse de ces paysans qui tiennent le milieu entre les riches et les très pauvres, pour défendre la commune villageoise. Quant aux plaines fertiles du Sud, qui sont maintenant la partie la plus populeuse et la plus riche de la Russie d’Europe, elles furent pour la plupart colonisées, pendant le dix-neuvième siècle, sous le système de l’occupation ou de l’appropriation individuelle, sanctionnée par l’État. Mais depuis que des méthodes perfectionnées d’agriculture à l’aide des machines ont été introduites dans la région, les propriétaires paysans ont peu à peu commencé à transformer eux-mêmes leurs propriétés individuelles en possessions communales, et on trouve aujourd’hui, dans ce grenier d’abondance de la Russie, un très grand nombre de com-

  1. Le rachat devait être payé par annuités durant quarante-neuf ans. A mesure que les années passaient et que la plus grande partie de la somme était payée, il devenait de plus en plus aisé de « racheter » la petite part qui restait à payer, et comme chaque lot de terre pouvait être racheté séparément, les trafiquants en prirent avantage pour acheter aux paysans ruinés la terre à moitié de sa valeur. Dans la suite une loi fut promulguée pour mettre un terme à ces manœuvres.