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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/166

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les châteaux. Alors, le clergé et la noblesse, saisis d’un élan patriotique, voyant qu’ils n’avaient encore rien fait pour les paysans, viennent abdiquer leurs droits féodaux pendant cette nuit mémorable. Les nobles, le clergé, les plus pauvres curés et les plus riches seigneurs féodaux, les villes, les provinces, tous viennent renoncer, sur l’autel de la patrie, à leurs prérogatives séculaires. Un enthousiasme s’empare de l’Assemblée, tous s’empressent de faire leur sacrifice. « La séance était une fête sacrée, la tribune un autel, la salle des délibérations un temple », — dit l’un des historiens, généralement assez calme. « C’était une Saint-Barthélemy des propriétés », disent les autres. Et lorsque les premières lueurs du jour jaillissent le lendemain sur la France, — l’ancien régime féodal n’existait plus. La France était un pays régénéré, ayant fait un auto-da-fé de tous les abus de ses classes privilégiées. »

Eh bien ! Cela c’est la légende. Il est vrai qu’un profond enthousiasme s’empara de l’Assemblée, lorsque deux nobles, le vicomte de Noailles et le duc d’Aiguillon, vinrent demander l’abolition des droits féodaux, ainsi que des divers privilèges des nobles, et que deux évêques (ceux de Nancy et de Chartres) parlèrent pour demander l’abolition des dîmes. Il est vrai que l’enthousiasme alla toujours grandissant, et que l’on vit les nobles et le clergé, pendant cette séance de nuit, se suivre à la tribune et se la disputer pour abdiquer leurs justices seigneuriales ; on entendit demander par des privilégiés la justice libre, gratuite et égale pour tous ; on vit les seigneurs laïques et ecclésiastiques abandonner leurs droits de chasse… L’enthousiasme s’em-