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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/171

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pourquoi le duc d’Aiguillon mitigeait la phrase concernant les impôts, en disant que tous les citoyens devaient les supporter « en proportion de leurs facultés ». Et quant aux droits féodaux, il demandait que tous ces droits, — les droits personnels aussi bien que les autres — fussent rachetés par les vassaux, « s’ils le désirent », le remboursement devant être « au denier 30 », c’est-à-dire trente fois la redevance annuelle payée à cette époque ! C’était rendre le rachat illusoire, car, pour les rentes foncières, il était déjà très lourd au dernier 25, et dans le commerce, une rente foncière s’estime généralement au denier 20 ou même 17.

Ces deux discours furent accueillis par les messieurs du Tiers avec enthousiasme, et ils ont passé à la postérité, comme des actes d’abnégation sublime de la part de la noblesse, alors qu’en réalité l’Assemblée nationale, qui suivit le programme tracé par le duc d’Aiguillon, créa par là les conditions mêmes des luttes terribles qui plus tard ensanglantèrent la Révolution. Les quelques paysans qu’il y avait dans cette Assemblée ne parlèrent pas pour montrer le peu de valeur des « renonciations » des nobles ; et la masse des députés du Tiers, citadins pour la plupart, n’avaient qu’une idée très vague sur l’ensemble des droits féodaux, ainsi que sur la force du soulèvement des paysans. Pour eux, renoncer aux droits féodaux, même à la condition du rachat, c’était déjà faire un sacrifice sublime à la Révolution.

Le Guen du Kérangall, député breton, « habillé en paysan », prononça alors de belles et émouvantes paroles. Ces paroles, lorsqu’il parla des « infâmes parchemins » qui contenaient les obligations de servitudes