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deux années suivantes : la bourgeoisie intervenant contre les paysans. Les histoires libéraux passent cela sous silence, mais c’est un fait de la plus haute importance, qu’il nous faut relever.

Nous avons vu que le soulèvement des paysans avait atteint sa plus grande vigueur dans le Dauphiné et généralement dans l’Est. Les riches, les seigneurs fuyaient, et Necker se plaignait d’avoir eu à délivrer en 15 jours 6.000 passeports aux plus riches habitants. La Suisse en était inondée.

Mais la bourgeoisie moyenne resta, s’arma et organisa ses milices, et l’Assemblée Nationale vota bientôt (le 10 août) une mesure draconienne contre les paysans révoltés[1]. Sous prétexte que l’insurrection était l’œuvre de brigands, elle autorisa les municipalités à requérir les troupes, à désarmer tous les hommes sans profession et sans domicile, à disperser les bandes et à les juger sommairement. La bourgeoisie du Dauphiné profita largement de ces droits. Lorsqu’une bande de paysans révoltés traversait la Bourgogne, en brûlant les châteaux, les bourgeois des villes et des villages se liguaient contre eux. Une de ces bandes, disent les Deux amis de la Liberté, fut défaite à Cormatin le 27 juillet, où il y eut 20 tués et 60 prisonniers. À Cluny, il y eut 100 tués et 160 prisonniers. La municipalité de Mâcon fit une guerre en règle aux paysans qui refusaient de payer la dîme et elle en pendit vingt. Douze paysans furent pendus à Douai ; à Lyon, la bourgeoisie, en combattant les paysans, en tua 80 et fit 60 prisonniers.

  1. Buchez et Roux, Histoire parlementaire, t. II, p. 254.