Aller au contenu

Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Aussi, dès que l’Assemblée nomma (le 9 juillet) son Comité pour le travail préparatoire de la constitution, il fut question de rédiger une Déclaration des droits de l’homme, et on se mit à cette besogne après le 14 juillet. On prit pour modèle la Déclaration d’indépendance des États-Unis, déjà devenue célèbre depuis 1776, comme profession de foi démocratique[1]. Malheureusement, on en imita aussi les défauts ; c’est-à-dire, comme les constituants américains réunis au congrès de Philadelphie, l’Assemblée nationale écarta de sa déclaration toute allusion aux rapports économiques entre citoyens, et se borna à affirmer l’égalité de tous devant la loi, le droit de la nation de se donner le gouvernement qu’elle voudra, et les libertés constitutionnelles de l’individu. Quant aux propriétés, la Déclaration s’empressait d’en affirmer le caractère « inviolable et sacré », et elle ajoutait que « nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. » C’était ouvertement répudier le droit des paysans à la terre et à l’abolition des redevances d’origine féodale.

La bourgeoisie lançait ainsi son programme libéral d’égalité juridique devant la loi et d’un gouvernement soumis à la nation, n’existant que par sa volonté. Et, comme tous les programmes minimum, celui-ci signifiait implicitement que la nation ne devait pas aller

  1. Comme l’a rappelé James Guillaume, dans son travail La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Paris, 1900, p. 9, le rapporteur du Comité de constitution avait bien mentionné ce fait. Pour s’en persuader, on n’a d’ailleurs qu’à comparer les textes des projets français et ceux des déclarations américaines, donnés dans le travail de J. Guillaume.