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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/198

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plus loin : elle ne devait pas toucher aux droits de propriété établis par le féodalisme et la royauté despotique.

Il est probable que dans les discussions que souleva la rédaction de la Déclaration des droits de l’homme, des idées d’un caractère social et égalitaire furent énoncées. Mais elles durent être écartées. On n’en trouve, en tout cas, aucune trace dans la Déclaration de 1789[1]. Même cette idée du projet de Sieyès, que « si les hommes ne sont pas égaux en moyens, c’est-à-dire en richesses, en esprit, en force, etc., il ne s’en suit pas qu’ils ne soient pas égaux en droits »[2] — même cette idée si modeste ne se retrouve pas dans la Déclaration de l’Assemblée, et au lieu des paroles précédentes de Sieyès, l’article 1er de la Déclaration fut conçu en ces termes : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. » Ce qui laisse présumer des distinctions sociales établies par la loi dans l’intérêt commun, et ouvre, au moyen de cette fiction, la porte à toutes les inégalités.

En général, quand on relit aujourd’hui la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, faite en 1789, on est porté à se demander si cette déclaration a réellement eu sur les esprits de l’époque l’influence que lui attribuent les historiens. Il est évident que l’article 1er de

  1. En Amérique, le peuple de certains États demanda de proclamer le droit commun de toute la nation à tout son sol, mais cette idée, détestable au point de vue de la bourgeoisie, fut exclue de la Déclaration d’indépendance.
  2. Article 16 du projet de Sieyès (La déclaration des droits de l’homme et du citoyen, par James Guillaume, p. 30)