Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/205

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On était en septembre ; la récolte venait d’être rentrée, et cependant le pain manquait. On faisait queue à la porte des boulangers, et après des heures d’attente les pauvres partaient souvent sans emporter leur pain. Les farines manquaient. Malgré les achats de grains faits à l’étranger par le gouvernement, et les primes délivrées à ceux qui apportaient le blé à Paris, le pain manquait dans la capitale, ainsi que dans toutes les grandes villes et même dans les petites villes aux alentours de Paris. Les mesures de ravitaillement étaient insuffisantes, et puis la fraude paralysait le peu qui avait été fait. Tout l’ancien régime, tout l’État centralisé qui avait grandi depuis le seizième siècle, apparaissait dans cette question du pain. Dans les hautes sphères, le raffinement du luxe avait atteint ses extrêmes limites ; mais la masse du peuple, taillée à merci, en était arrivée à ne plus pouvoir produire sa nourriture sur le riche sol et dans le riche climat de la France !

En outre, les plus terribles accusations circulaient contre les princes de la famille royale et les personnages haut placés de la Cour. Ils avaient refait, disait-on, le pacte de famine et spéculaient sur la hausse des blés, — rumeurs qui n’étaient que trop vraies, comme on le sut plus tard par les papiers de Louis XVI, trouvés aux Tuileries.

Et enfin, la menace de la banqueroute du royaume était suspendue sur les têtes. Les dettes de l’État demandaient un paiement immédiat des intérêts, mais les dépenses grandissaient, et le trésor était vide ! En Révolution, on n’ose plus recourir aux moyens abominables dont l’ancien régime se servait pour recouvrer les impôts