Aller au contenu

Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’il voulait donner au roi la possibilité d’empêcher, légalement, toute mesure sérieusement réformiste. Après de longs débats on arriva à un compromis : l’Assemblée refusa le veto absolu, mais elle accepta, contre le vœu du peuple, le veto suspensif, qui permettait au roi de suspendre un décret pour un certain temps, sans toutefois l’annuler.

À cent ans de distance, l’historien est nécessairement porté à idéaliser l’Assemblée, et à se la représenter comme un corps prêt à lutter pour la Révolution. Il faut cependant en rabattre si l’on veut rester dans la réalité. Le fait est que même dans ses représentants les plus avancés, l’Assemblée restait bien au-dessous des nécessités du moment. Elle devait sentir son impuissance ; elle n’était nullement homogène : elle contenait plus de 300 députés, quatre cents selon d’autres évaluations, c’est à dire plus du tiers, prêts à pactiser entièrement avec la royauté. Et puis, sans parler de ceux qui étaient aux gages de la Cour — et il y en avait quelques-uns — combien craignaient beaucoup plus la révolution que l’arbitraire royal ! Mais on était en révolution, et il y avait, outre la pression directe du peuple et la peur de son courroux, cette atmosphère intellectuelle qui domine les timorés et force les prudents à suivre les plus avancés ; mais surtout le peuple gardait toujours son attitude menaçante, et le souvenir de de Launey, de Foullon et de Bertier restait encore frais dans les mémoires. On parlait même dans les faubourgs de Paris de massacrer ceux des membres de l’Assemblée que l’on soupçonnait d’avoir des attaches avec la Cour.

Entre temps, la disette à Paris était toujours terrible.