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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/289

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entre une loi que l’on vient de promulguer et son exécution pratique dans la vie.

Il est aisé de dire : « Les propriétés des congrégations passeront aux mains de l’État. » Mais comment cela se fera-t-il en réalité ? Qui viendra, par exemple, dans l’abbaye de Saint-Bernard, à Clairvaux, dire à l’abbé et aux moines de s’en aller ? Qui les chassera, s’ils ne s’en vont pas de bonne volonté ? Qui les empêchera, secourus par toutes les dévotes des villages voisins, de revenir demain et de chanter la messe dans l’abbaye ? Qui organisera la vente de leurs propriétés d’une façon efficace ? Qui fera, enfin, des beaux édifices de l’abbaye, un hospice pour les vieillards, comme le fit, en effet, plus tard, le gouvernement révolutionnaire ? On sait, en effet, que si les sections de Paris n’avaient pas pris en main la vente des biens du clergé, la loi sur cette vente ne recevait même pas un commencement d’exécution.

En 1790, 1791, 1792, l’ancien régime était encore là, debout, prêt à se reconstituer en entier — sauf quelques légères modifications, — tout comme le second empire fut prêt à renaître à chaque instant, du temps de Thiers et de Mac-Mahon. Le clergé, la noblesse, l’ancien fonctionnarisme, et surtout l’ancien esprit, étaient prêts à relever la tête — et à écrouer ceux qui avaient osé se ceindre de l’écharpe tricolore. Ils en guettaient l’occasion, ils la préparaient. Du reste, les nouveaux directoires des départements, fondés par la Révolution, mais composés de riches, étaient des cadres tout prêts pour rétablir l’ancien régime. C’étaient des citadelles de la contre-révolution.

L’Assemblée Constituante et la Législative avaient fait