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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/310

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par sa fuite même ? elle s’empara du pouvoir exécutif, donna des ordres aux ministres, et prit en main les rapports diplomatiques. Pendant une quinzaine de jours, la France vécut sans roi.

Mais voici que la bourgeoisie se ravise, se dédit et se met en opposition ouverte avec le mouvement républicain. L’attitude de l’Assemblée change dans le même sens. Alors que toutes les Sociétés populaires et fraternelles se prononcent pour la déchéance, le club des Jacobins, composé de bourgeois étatistes, répudie l’idée de république et se prononce pour le maintien de la monarchie constitutionnelle. — « Le mot république épouvante les fiers Jacobins », dit Réal à la tribune de leur club. Les plus avancés d’entre eux, y compris Robespierre, ont peur de se compromettre ; ils n’osent pas se prononcer pour la déchéance, ils parlent de calomnie quand on les appelle républicains.

L’Assemblée, si résolue le 22 juin, revient brusquement sur ses décisions, et, le 15 juillet, elle lance en toute hâte un décret par lequel elle innocente le roi et se prononce contre la déchéance, contre la république. Dès lors, demander la république devient un crime.

Que s’est-il donc passé pendant ces vingt jours pour que les chefs révolutionnaires de la bourgeoisie aient si soudainement viré de bord et pris la résolution de retenir Louis XVI sur le trône ? A-t-il manifesté son repentir ? A-t-il donné des gages de soumission à la Constitution ? — Non, il n’y a rien eu de semblable ! Le fait est que les meneurs bourgeois ont aperçu de nouveau le spectre qui les hantait depuis le 14 juillet et le 6 octobre 1789 : le soulèvement du peuple ! Les hommes à piques étaient