Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/340

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coup qu’ils préparaient pour l’été de 1792. Le roi et la reine pressaient les armées allemandes de marcher sur Paris ; ils leur désignaient déjà le jour où elles devaient entrer dans la capitale et où les royalistes, armés et organisés, iraient les recevoir à bras ouverts.

Le peuple et ceux des révolutionnaires qui, comme Marat et les Cordeliers, se tenaient près du peuple, ceux qui firent la Commune du 10 août, comprenaient parfaitement bien les dangers dont la Révolution se trouvait entourée. Le peuple a toujours un sentiment vrai de la situation, alors même qu’il ne sait l’exprimer correctement ni appuyer ses prévisions par des arguments de lettrés ; et il devinait, infiniment mieux que les politiciens, les complots qui se tramaient aux Tuileries et dans les châteaux. Mais il était désarmé, alors que la bourgeoisie s’était organisée en bataillons de la garde nationale ; et ce qu’il y avait de pire, c’est que ceux des intellectuels que la Révolution avait mis en avant, ceux qui s’étaient posés en porte-parole de la Révolution, — y compris des hommes honnêtes comme Robespierre, — n’avaient pas la confiance nécessaire dans la Révolution, encore moins dans le peuple. Tout comme les radicaux parlementaires de nos jours, ils avaient peur du grand inconnu, le peuple descendu dans la rue, qui aurait pu se rendre maître des événements ; et, n’osant s’avouer cette peur de la révolution égalitaire, ils expliquaient leur attitude indécise comme un souci de conserver, du moins, les quelques libertés acquises par la Constitution. Aux chances incertaines d’une nouvelle insurrection, ils préféraient la royauté constitutionnelle.

Il fallut la déclaration de la guerre (21 avril 1792) et