Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/341

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l’invasion allemande pour changer la situation. Alors, se voyant trahi de tout côté, même par les meneurs eux-mêmes auxquels il avait donné sa confiance, le peuple se mit à agir lui-même, à exercer une pression sur les « chefs d’opinion ». Paris prépara une insurrection qui devait permettre au peuple de détrôner le roi. Les sections, les Sociétés populaires et les Fraternelles, c’est-à-dire les inconnus, la foule, secondés par les plus ardents cordeliers, se mirent à la besogne. Les patriotes les plus chauds et les plus éclairés, dit Chaumette dans ses Mémoires (p. 13), se rendaient au club des Cordeliers et de là passaient des nuits ensemble à se concerter. Il y eut entre autres un comité où l’on fabriqua un drapeau rouge portant cette inscription : Loi martiale du peuple contre la révolte de la cour, et sous lequel devaient se rallier les hommes libres, les vrais républicains, qui avaient à venger un ami, un fils, un parent assassiné au Champ-de-Mars le 17 juillet 1791.

Les historiens, payant un tribut à leur éducation étatiste, se sont plu à représenter le club des Jacobins comme l’initiateur et la tête de tous les mouvements révolutionnaires à Paris et dans les provinces, et pendant deux générations nous avons tous pensé de même. Mais nous savons aujourd’hui qu’il n’en fut rien. L’initiative du 20 juin et du 10 août ne vint pas des Jacobins. Au contraire, pendant toute une année ils s’étaient opposés — même les plus révolutionnaires d’entre eux — à un nouvel appel au peuple. Seulement lorsqu’ils se virent débordés par le mouvement populaire, ils se décidèrent — et encore, une partie seulement des Jacobins — à le suivre.