Aller au contenu

Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/349

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que ce moyen était… de rappeler au ministère, dans huit jours au plus tard, Roland, Servan et Clavière.

Certainement, ce n’étaient pas les douze millions promis à Brissot qui poussaient la Gironde à faire cette démarche. Ce n’était pas non plus, comme le pense Louis Blanc, l’ambition seule de conquérir le pouvoir. Non. La cause en était plus profonde. Le pamphlet de Brissot, À ses commettants, trahit nettement leur idée. C’était la peur d’une révolution populaire, qui toucherait aux propriétés, — la peur et le mépris du peuple, de la foule, des misérables en guenilles. La peur d’un régime, dans lequel la propriété et, plus que cela, l’éducation gouvernementale, « l’habileté aux affaires » perdraient les privilèges qu’elles avaient conféré jusqu’alors. La peur de se voir nivelés, réduits au niveau de la grande masse !

Cette peur paralysait les Girondins, comme elle paralyse aujourd’hui tous les partis qui occupent dans les parlements actuels la même position, plus ou moins gouvernementale, qu’occupaient alors les Girondins dans le parlement royaliste.

On comprend le désespoir qui s’empara alors des vrais patriotes, et que Marat exprima en ces lignes :

« Depuis trois ans, disait-il, nous nous agitons pour recouvrer notre liberté, et cependant nous en sommes plus éloignés que jamais.

« La Révolution a tourné contre le peuple. Pour la cour et ses suppôts, elle est un motif éternel de captation et de corruption ; pour les législateurs, une occasion de prévarications et de fourberies… Et déjà elle n’est pour les riches et les avares qu’une occasion de gains