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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/401

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et la plupart approuvèrent après que la chose fut faite. Ce qui prouve jusqu’à quel point, malgré le cri d’humanité outragée que soulevaient ces massacres, tous comprirent qu’ils étaient la conséquence inévitable du 10 août et de la politique louche des gouvernants eux-mêmes pendant les vingt jours qui suivirent la prise des Tuileries.

Roland, dans sa lettre du 3 septembre, si souvent citée, parle des massacres en des termes qui en reconnaissent la nécessité[1], et l’essentiel, pour lui, est de développer la thèse qui va devenir la thèse favorite des Girondins : c’est que, s’il fallait le désordre avant le 10 août, maintenant tout devait rentrer dans l’ordre. En général, les Girondins, comme l’ont très bien dit Buchez et Roux, « sont surtout préoccupés d’eux-mêmes » ; « ils voient avec chagrin le pouvoir sorti de leurs mains et passé dans celles de leurs adversaires… mais ils n’ont pas de motifs pour blâmer le mouvement qui se fait… Ils ne se dissimulent pas que lui seul peut sauver l’in-

  1. « Je sais que les révolutions ne se calculent point par les règles ordinaires ; mais je sais aussi que le pouvoir qui les fait doit bientôt se ranger sous l’abri des lois, si l’on ne veut qu’il opère une entière dissolution. La colère du peuple et le commencement de l’insurrection sont comparables à l’action d’un torrent qui renverse des obstacles qu’aucune autre puissance n’aurait anéantis, mais dont le débordement va porter au loin le ravage et la dévastation, s’il ne rentre bientôt dans son lit… Hier fut un jour sur les événements duquel il faut peut-être laisser un voile ; je sais que le peuple, terrible dans sa vengeance, y porte encore une sorte de justice ; il ne prend pas pour victime tout ce qui se présente à sa fureur, il la dirige sur ceux qu’il croit avoir été trop longtemps épargnés par le glaive de la loi, et que le péril des circonstances lui persuade devoir être immolés sans délai… Mais le salut de Paris exige que tous les pouvoirs rentrent à l’instant dans leurs bornes respectives. »