Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/405

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

du moment qu’elle n’aurait pas eu l’appui de l’Assemblée, du gouvernement.

Et, qu’on ne dise pas que les soupçons de Robespierre n’étaient que pure vision. Condorcet, le vieux républicain, l’unique représentant, dans la Législative, qui se fût ouvertement prononcé pour la République dès 1791, tout en répudiant pour son compte — et seulement pour son compte — toute idée de désirer le duc de Brunswick sur le trône de France, ne reconnaît-il pas dans la Chronique de Paris, qu’on lui en avait parlé quelquefois ?[1] C’est que pendant ces jours d’interrègne, bien des candidatures — celle du duc d’York, du duc d’Orléans, du duc de Chartres (candidat de Dumouriez) et même du duc de Brunswick — furent certainement discutées parmi les hommes politiques qui ne voulaient pas de République, comme les Feuillants, ou qui ne croyaient pas, comme les Girondins, à la possibilité d’une victoire de la France.

Dans ces hésitations, dans cette pusillanimité, dans cette fourberie des hommes d’État, réside la vraie cause du désespoir qui s’empara de la population de Paris le 2 septembre.

  1. Carra, éditeur des Annales patriotiques, un des principaux organes de la Gironde, parla de Brunswick en ces termes, dans le numéro du 19 juillet 1792 : « C’est le plus grand guerrier et le plus habile politique de l’Europe, que ce duc de Brunswick ; il est très instruit, très éclairé, très aimable : il ne lui manque, peut-être, qu’une couronne, je ne dis pas pour être le plus grand roi de la terre, mais pour être le véritable restaurateur de la liberté en Europe. S’il arrive à Paris, je gage que sa première démarche sera de venir aux Jacobins et d’y mettre le bonnet rouge. »