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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/588

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, « Danton, Robespierre, Marat et compagnie », et que Charlotte Corday était renseignée là-dessus. Sa visite au girondin Duperret, auquel elle remit des imprimés et une lettre qui lui était adressée de Caen par Barbaroux, et le conseil qu’elle lui donna de se retirer sans retard à Caen tendent plutôt à représenter Charlotte Corday comme l’instrument d’un complot tramé à Caen par les Girondins et les royalistes[1].

Le plan de Charlotte Corday avait été, disait-elle, de frapper Marat au Champ de Mars, pendant la fête anniversaire de la Révolution, le 14 juillet, ou bien, s’il n’y venait pas, à la Convention. Mais la fête avait été remise, et Marat, malade, n’allait plus à la Convention. Alors elle lui écrivit pour le prier de la recevoir, et, n’ayant pas eu de réponse, elle lui écrivit de nouveau, jouant cette fois-ci jésuitiquement sur la bonté qu’elle lui connaissait, ou dont ses amis lui auraient parlé. Elle disait dans cette lettre qu’elle était malheureuse, qu’elle était persécutée ; avec une pareille recommandation elle était sûre d’être reçue.

Avec ce billet et un couteau caché sous son fichu, elle alla, le 13 juillet, à sept heures du soir, chez Marat. Sa femme, Catherine Évrard, hésita un moment, mais finit par

  1. Qu’un complot existât, et que les Girondins en sussent quelque chose, cela nous semble prouvé. Ainsi, le 10 juillet on lisait au conseil général de la Commune de Paris une lettre, reçue à Strasbourg et envoyée à Paris par le maire de cette cité, dans laquelle on lisait ces lignes : « … La Montagne, la Commune, la Jacobinière et toute la séquelle scélérate sont à deux doigts du tombeau… D’ici au 15 juillet, nous danserons ! je désire qu’il n’y ait pas d’autre sang répandu que celui des Danton, Robespierre, Marat et compagnie… » (Je cite d’après Louis Blanc). Le 11 et le 12 juillet, la Chronique de Paris, journal girondin, faisait déjà des allusions à la mort de Marat.