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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/604

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Il fallut tout le génie de la Révolution et toute l’audace juvénile d’un peuple éveillé de son long sommeil, toute la foi des révolutionnaires en un avenir d’Égalité, pour mener à bonne fin la lutte de titans que les sans-culottes eurent à soutenir contre l’invasion et la trahison. Mais, que de fois le peuple, saigné à blanc, ne fût-il pas sur le point de succomber !

Si aujourd’hui la guerre peut désoler et ruiner des provinces entières, on conçoit les ravages qu’elle faisait il y a cent vingt ans, au milieu d’une population beaucoup plus pauvre. Dans les départements voisins du théâtre de la guerre, les blés étaient coupés, la plupart en vert, pour servir de fourrage. La majeure partie des chevaux et des bêtes de trait étaient réquisitionnés, là où opérait une des quatorze armées de la République. Le pain manquait aux soldats comme aux paysans et aux plus pauvres dans les villes. Mais tout le reste manquait aussi. En Bretagne, en Alsace, les représentants en mission étaient forcés de demander aux habitants de certaines villes, comme Brest ou Strasbourg, de se déchausser de leurs souliers pour les envoyer aux soldats. Tous les cuirs étaient réquisitionnés, ainsi que les cordonniers, pour faire des chaussures, mais les chaussures manquaient toujours, et l’on distribuait des sabots aux soldats. Mais quoi ! On se voyait forcé de créer des comités pour réquisitionner dans les maisons des particuliers « les batteries de cuisine, chaudrons, poêlons, casseroles, baquets et autres objets en cuivre et en plomb, de même que les cuivres et les plombs non travaillés ». Cela s’est fait dans le district de Strasbourg.

À Strasbourg, les représentants et la municipalité se