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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/724

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nant la guerre au couteau, dans chaque localité. Ce qui rendait la situation encore plus difficile, c’est que personne, ni sur place, ni à Paris, ne savait rien aviser que des moyens extrêmes de répression. En voici un exemple.

Le Vaucluse étant gangrené de royalistes et de prêtres, il arrive que dans Bédouin, un de ces villages arriérés, situés au pied du mont Ventoux, qui n’avait jamais cessé d’être pour l’ancien régime, et ne s’en cachait pas, « la loi a été scandaleusement outragée ! » Au 1er mai, l’arbre de la liberté a été renversé et « les décrets de la Convention traînés dans la boue ! » Le chef militaire de l’endroit (Suchet, qui sera bientôt un impérialiste) veut « un exemple terrible ». Il demande la destruction du village. Maignet, le représentant en mission, hésite et s’adresse à Paris, et de là on lui ordonne de sévir. Alors Suchet met le feu au village, et 433 maisons ou édifices sont rendus inhabitables. On comprend qu’avec ce système, il ne restait qu’à « sévir », toujours sévir.

C’est ce que l’on fit. Quelques jours plus tard, vu l’impossibilité de transférer à Paris tous les citoyens arrêtés (il faudrait une armée et des vivres sur la route, dit Maignet), Couthon proposa aux deux Comités, qui l’acceptèrent[1], une commission spéciale de cinq membres, qui siégerait à Orange, pour juger les ennemis de la Révolution dans les départements de Vaucluse et des Bouches-du-Rhône. Robespierre écrivit de sa main l’instruction pour cette commission, et cette instruction servit sous

  1. Je suis ici le récit de Louis Blanc, livre XII, ch. XIII, qui n’est pas suspect d’hostilité pour le groupe de Robespierre.