Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/732

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de gouvernement », qui avaient hâte d’en finir tout de bon avec la tourmente révolutionnaire et qui guettaient le moment où ils pourraient renverser les Montagnards terroristes, sans provoquer un soulèvement à Paris.

On put sonder alors tout le mal qui résultait de ce que la Révolution s’était basée, en matière économique, sur l’enrichissement personnel. Une révolution doit viser le bonheur de tous, autrement elle sera nécessairement étouffée par ceux mêmes qu’elle aura enrichis aux dépens de la nation. Chaque fois qu’une révolution fait un déplacement de fortunes, elle ne devrait pas le faire en faveur des individus, mais toujours en faveur de communautés. Or, c’est précisément par où pêcha la Grande Révolution. Les terres qu’elle confisquait chez les prêtres et les nobles, elle les donnait à des particuliers, alors qu’elle aurait dû les rendre aux villages et aux villes, puisque c’étaient autrefois des terres du peuple, — des terres dont les particuliers s’étaient emparés à la faveur du régime féodal. Il n’y a jamais eu de terres originairement seigneuriales ou d’Église. À part quelques communautés de moines, jamais seigneur ni prêtre ne défricha lui-même un arpent de terre. Le peuple, celui qu’ils appelaient le vilain, le manant, défricha chaque mètre carré du sol cultivé. C’est lui qui le rendit accessible, habitable. C’est lui qui donna à cette terre sa valeur, et c’est à lui qu’elle devait être rendue.

Mais, dans un but étatiste et bourgeois, la Constituante, la Législative et la Convention reconnurent, comme appartenant de droit au seigneur, au couvent, à la cathédrale, à l’Église, les terres que ces suppôts de l’État naissant s’étaient appropriées autrefois. Elles pri-