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Page:Kropotkine - La Grande Révolution.djvu/748

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Il y a autre chose à relever.

Il arrive, dans l’histoire des peuples, une période où un profond changement s’impose dans toute la vie de la nation. La royauté despotique et la féodalité se mouraient en 1789 : il n’était pas possible de les maintenir ; il fallait y renoncer.

Mais alors deux voies s’ouvraient : la réforme ou la révolution.

Il y a toujours un moment où la réforme est encore possible. Mais si l’on n’a pas profité de ce moment, si l’on s’est obstiné à résister aux exigences de la vie nouvelle, jusqu’au moment où le sang a dû couler dans la rue, comme il avait coulé le 14 juillet 1789, — alors c’est la Révolution. Et, une fois que c’est la Révolution, elle devra nécessairement se développer jusqu’à ses dernières conséquences, — c’est-à-dire jusqu’au point qu’elle sera capable d’atteindre, ne serait-ce que temporairement, étant donné l’état des esprits à ce moment de l’histoire.

Si nous représentons le lent progrès d’une période d’évolution par une ligne tracée sur le papier, nous verrons cette ligne monter graduellement, lentement. Mais alors vient une Révolution — et la ligne fait un soubresaut : elle monte soudain. Elle monte, en Angleterre, jusqu’à la République puritaine de Cromwell ; en France, jusqu’à la République sans-culotte de 1793. Mais à cette hauteur le progrès ne peut se maintenir ; les forces hostiles à lui se liguent pour le renverser, et, après s’être élevée à cette hauteur, la République cède ; la ligne tombe. Vient la réaction. En politique, au moins, la ligne du progrès tombe très bas. Mais peu à peu elle se relève, et lorsque la paix se rétablit, —