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Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/35

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II
ESSAI SUR LE DON
FORME ET RAISON DE L’ÉCHANGE
DANS LES SOCIÉTÉS ARCHAÏQUES

I

INTRODUCTION

Du Don, et en particulier de l’obligation à rendre les présents

ÉPIGRAPHE

Voici quelques strophes de l’Havamál, l’un des vieux poèmes de l’Edda Scandinave[1]. Elles peuvent servir d’épigraphe à ce travail, tant elles mettent directement le lecteur dans l’atmosphère d’idées et de faits où va se mouvoir notre démonstration[2].

39
Je n’ai jamais trouvé d’homme si généreux
et si large à nourrir ses hôtes
que « recevoir ne fût pas reçu »,
ni d’homme si… (l’adjectif manque)
de son bien
que recevoir en retour lui fût désagréable[3].

  1. C’est M. Casse qui nous a mis sur la voie de ce texte, Theory of Social Economy, vol. II, p. 345. Les savants scandinaves sont familiers avec ce trait de leur antiquité nationale.
  2. M. Maurice Cahen a bien voulu faire pour nous cette traduction.
  3. La strophe est obscure, surtout parce que l’adjectif manque au
    vers 4, mais le sens est clair quand on supplée, comme on fait d’ordinaire,
    un mot qui veux dire libéral, dépensier. Le vers 3 est lui aussi
    difficile. M. Casse traduit : « qui ne prenne pas ce qu’on lui offre ».
    La traduction de M. Casse au contraire est littérale. « L’expression est
    ambiguë, nous écrit-il, les uns comprennent : « que recevoir ne lui fût
    pas agréable », les autres interprètent : « que recevoir un cadeau ne
    comportât pas l’obligation de le rendre ». Je penche naturellement pour
    la seconde explication. » Malgré notre incompétence en vieux norrois,
    nous nous permettons une autre interprétation. L’expression corres-