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Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/36

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41
Avec des armes et des vêtements
les amis doivent se faire plaisir ;
chacun le sait de par lui-même (par ses propres expériences),
Ceux qui se rendent mutuellement les cadeaux
sont le plus longtemps amis,
si les choses réussissent à prendre bonne tournure.

42
On doit être un ami
pour son ami
et rendre cadeau pour cadeau ;
on doit avoir
rire pour rire
et dol pour mensonge,

44
Tu le sais, si tu as un ami
en qui tu as confiance
et si tu veux obtenir un bon résultat,
il faut mêler ton âme à la sienne
et échanger les cadeaux
et lui rendre souvent visite.

44
Mais si tu en as un autre
de qui tu te défies
et si tu veux arriver à un bon résultat,
il faut lui dire de belles paroles
mais avoir des pensées fausses
et rendre dol pour mensonge.

46
II en est ainsi de celui
en qui tu n’as pas confiance
et dont tu suspectes les sentiments,
il faut lui sourire
mais parler contre cœur :
les cadeaux rendus doivent être semblables aux cadeaux reçus.


    pond évidemment à un vieux centon qui devait être quelque chose comme « recevoir est reçu ». Ceci admis, le vers ferait allusion à cet état d’esprit dans lequel sont le visiteur et le visité. Chacun est supposé offrir son hospitalité ou ses présents comme s’ils devaient ne jamais lui être rendus. Cependant chacun accepte tout de même les présents du visiteur ou les contre-prestations de l’hôte, parce qu’ils sont des biens et aussi un moyen de fortifier le contrat, dont ils sont partie intégrante.

    Il nous semble méme que l’on peut démêler dans ces strophes une partie plus ancienne. La structure de toutes est la même, curieuse et claire. Dans chacune un centon juridique forme centre : « que recevoir ne soit pas reçu » (39), « ceux qui se rendent les cadeaux sont amis » (41), « rendre cadeaux pour cadeaux » (42), « il faut mêler ton âme à la sienne et échanger les cadeaux » (44), « l’avare a toujours peur des cadeaux » (48), « un cadeau donné attend toujours un cadeau en retour » (145), etc. C’est une véritable collection de dictons. Ce proverbe ou règle est entou­ré d’un commentaire qui le développe. Nous avons donc affaire ici non seulement à une très ancienne forme de droit, mais même à une très ancienne forme de littérature.