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Page:L'Année sociologique, Tome I, 1923-1924.pdf/42

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introduction

à la fois (1). De plus, ce qu’ils échangent, ce n’est pas exclusivement des biens et des richesses, des meubles et des immeubles, des choses utiles écono­miquement. Ce sont avant tout des politesses, des festins, des rites, des services militaires, des femmes, des enfants, des danses, des fêtes, des foires dont le marché n’est qu’un des moments et où la circulation des richesses n’est qu’un des termes d’un contrat beaucoup plus général et beaucoup plus permanent. Enfin, ces prestations et contre-prestations s’engagent sous une forme plutôt volontaire, par des présents, des cadeaux, bien qu’elles soient au fond rigoureu­sement obligatoires, à peine de guerre privée ou publique. Nous avons proposé d’appeler tout ceci le système des prestations totales. Le type le plus pur de ces institutions nous paraît être représenté par l’alliance des deux phratries dans les tribus aus­traliennes ou nord-américaines en général, où les rites, les mariages, la succession aux biens, les liens de droit et d’intérêt, rangs militaires et sacerdotaux, tout est complémentaire et suppose la collaboration des deux moitiés de la tribu. Par exemple, les jeux sont tout particulièrement régis par elles (2). Les Tlinkit et les Haïda, deux tribus du nord-ouest américain expriment fortement la nature de ces pratiques en disant que « les deux phratries se mon­trent respect (3) ».

(1) Même un poète aussi tardif que Pindare dit : νεανίᾳ γαμβρῷ προπίνων oἴκoθεν oἴκαδε, Olympique, VIII, 4. Tout le passage se ressent encore de l’état de droit que nous allons décrire. Les thèmes du présent, de la richesse, du mariage, de l’honneur, de la faveur, de l’alliance, du repas en commun et de la boisson dédiée, même celui de la jalousie qu’excite le mariage, tous y sont représentés par dos mots expressifs et dignes do commentaires.

(2) V. en particulier les remarquables règles du jeu de ballo chas les Omaha : Alice Fletcher et la Flesche, Omaha Tribe, Annuel Report 0/ the Bureau 0/ American Anthropology, 1905-1906, XXVII, p. 197 et 366.

(3) Krause, Tlinkil Indianer, p. 234, suiv,, a bien vu ce caractère des fêtes et rites et contrats qu’il décrit, sans leur donner le nom de potlatch. Boursin, in Porter, Report on U10 Population, etc. 0/ Alaska, in Eleventh Censuo (1900), p. 54-66. et Porter, ié., p. 33, ont bien vu œ caractère de glonOcation réciproque du potlatch, cette fois nommé. Mais c’est M. Swanton qui l’a le mieux marqué : Social Conditions, etc. 0/ lhe Tlingit indians, Ann. Rep, 0/ the Bureau 0/ rimer. Ethn. 1905, XXVI, p. 345, etc. Cf. nos observations, rinn. Soc., t. XI, p. 207 et Davy, Foi jurés, p. 172.