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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/126

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LES TROIS COCUS

Au Cap, Marthe avait eu l’occasion de voir quelquefois Robert Laripette ; mais, à cette époque, le jeune homme était docteur à bord des paquebots anglais et il ne restait à terre que fort peu de temps.

Il avait cependant assisté au mariage de sir Ship Chandler de la False-Bay, l’ami de son père, avec cette friponne d’Hollandaise qui se faisait appeler mademoiselle Marthe Van Glover.

Après le dîner des épousailles, l’Anglais avait dit à Laripette :

— Si vous étiez raisonnable, nous aurions fait double noce aujourd’hui…

— Comment ça ?

— Vous auriez épousé ma fille Briséis, parbleu !

— Ah ! fichez-moi la paix ! avait répondu Robert.

Quand il revint, après un voyage, Marthe commençait déjà à avoir assez de son troisième mari.

Elle le trouvait trop long, et sa myopie lui était insupportable. À chaque instant, il embrassait dus négresses, croyant avoir affaire à sa femme.

Un jour, Marthe était allée à la chasse ; car elle était très hardie. Elle revêtait un costume masculin pour être plus à son aise, et elle partait en course à travers bois. Souvent elle pénétrait fort avant dans les terres et avait ainsi couru des dangers.

Elle ne se faisait accompagner par personne.

Adroite au tir, elle ne manquait jamais de rapporter quelque belle pièce de gibier.

Ce jour-là donc, elle suivit les bords de la Keiskamma, qui est la grande rivière qui sert de limite à la colonie anglaise. Kilo avait couru longtemps, tué force cailles, et elle se reposait non loin de la rive, à l’ombre d’un gigantesque eucalyptus.

Tandis qu’elle s’adonnait à la rêverie, elle entend tout à coup des branches craquer dans le voisinage ; c’était le pas d’un autre chasseur.

Etonnée, elle se redresse ; car elle croyait inexplorée cette partie du territoire, où elle avait plaisir à s’aventurer.

— Qui va là ?

C’était Laripette.

— Tiens, monsieur Robert !

— Moi-même.

— Que venez-vous faire par ici ?

— Je me suis mis dans la tête de rapporter un pélican… Mais, jusqu’à présent, je n’ai pas aperçu la moindre plume