Aller au contenu

Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
115
LES TROIS COCUS

d’un seul de ces vilains oiseaux-là… Et vous, madame Chandler, avez-vous fait bonne chasse ?

— Oui.

— Vous vous reposez ?

— Oui… Arrêtez-vous donc une seconde, et renoncez à votre pélican… Nous causerons… Voulez-vous ?

— Je veux bien.

Et voilà nos deux chasseurs qui se racontent l’un à l’autre leurs petites histoires, Robert fait part à Marthe de toutes ses excursions sur la côte. Marthe narre à Laripette tous les embêtements de son ménage.

De fit en aiguille, on se dit un ou deux mots galants à double entente. Hubert n’avait aucun point de ressemblance avec le Joseph, de la Bible, et madame Chandler, par contre, sortait du même moule que la femme de Putiphar. Et puis, ils éprouvaient du charme a lier connaissance intime dans la solitude de la forêt.

Soudain, un clapotement sinistre se fait entendre à proximité, dans la rivière, et un affreux crocodile paraît, le nez au-dessus des eaux.

Marthe et Robert, comme bien l’on pense, ne songent plus du coup à la galanterie. Lestes ils sont ; en un clin d’œil ils grimpent dans l’eucalyptus.

Monsieur le crocodile, qui s’était promis de dîner de nos deux chasseurs, se dresse comme il peut pour les atteindre, en faisant claquer ses immenses mâchoires

— Est-il laid ! dit Marthe, qui a toujours le mot pour rire. C’est tout le portrait de mon mari quand il montre ses longues dents !

Ce crocodile était rusé. Voyant qu’il n’y a pas moyen pour lui d’arriver à la hauteur où se trouvent nos jeunes imprudents, il se dit qu’il aura meilleur compte à dégringoler l’arbre.

Là-dessus, il cogne de toutes ses forces contre l’eucalyptus, mordant l’écorce, déchiquetant tout ce qui est à sa portée, et faisant avec ça un tapage des cinq cents diables.

— Malepeste ! observe Robert, s’il y va de ce train-là, il aura vite détraqué notre forteresse… Avez-vous de la poudre et des balles, madame Chandler ?

— Oui, mais cela n’entrera jamais dans la cuirasse de ce gaillard.

— Cela dépend. Il s’agit de viser juste.

— Où ?

— Visez au cou, au défaut des os de la tête et des écailles… ou bien visez à l’œil…