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LES TROIS COCUS

Laripette se disait :

— Je m’expliquerai avec Gilda.

Et la présidente :

— Je m’expliquerai avec Saint-Brieux.

En attendant, on était en vue de l’obélisque, qui se tenait droit comme un I vis-à-vis la Madeleine.

La présidente se pencha à l’oreille de Robert et chuchota quelques mots qui firent pousser à son amant un joyeux éclat de rire. Et ce fut encore une série de baisers ardents. On s’embrassait à la mode des colombes, bec sur bec ; je dirai même que ce becquetage avait quelque chose de biblique et qu’il rappelait les humains de la Genèse, lors de l’accident qui interrompit l’édification de la fameuse tour de Babel.

Trois quarts d’heure plus tard, la voiture, sur l’ordre de Laripette, arrêtait devant un des cafés-restaurants du bois de Boulogne ; c’est dire que le cocher n’avait pas fatigué Cocotte et qu’on avait été sans secousses, au petit pas.

Comme il était écrit que ce serait la journée aux surprises, le cocher eut la sienne, quand il vit les voyageurs mettre pied à terre.

— Tiens ! pensa-t-il, il m’avait semblé que j’avais une voyageuse blonde, la voilà qui est châtain !

Il faisait chaud.

La voiture se gare. On monte aux cabinets particuliers du premier étage, et l’on commande des bocks.

Presque tous les cabinets étaient occupés. Des fenêtres, grandes ouvertes, mais à travers lesquelles l’œil ne pouvait pénétrer, tant elles étaient garnies de feuillage, partaient es éclats confus de mille chansonnettes folichonnes, sans compter les bêtises ; notamment une voix aigre qui hurlait :

Vive le mou, mou,
Vive le mouton !
Dont la laine,
Dont la laine,
Dont la laine et du coton !

Cela ne voulait rien dire, cela était bête comme la lune ; mais cela faisait rire les compagnes du chanteur, qui reprenaient en chœur ce refrain idiot. On entendait aussi leurs voix glapissantes.

Il y avait de la gaîté à ce coquin de premier étage.

— Bon ! fait Robert tout à coup, nous avons oublié le cocher ; c’est l’usage de lui faire servir une consommation.