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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/19

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LES TROIS COCUS

coudre par les couturières des médailles de la Vierge, — médailles bénies à Lourdes, s’il vous plaît, — dans toutes les robes de madame.

— Tant que votre femme aura la médaille de Lourdes sur elle, avait dit le curé, votre contrat ne subira aucun coup de canif.

Mme Mortier n’avait jamais fait mentir l’oracle à tonsure. Si le contrat conjugal avait été criblé de coups de canif, c’est que dans ces moments critiques les saintes médailles n’étaient plus sur madame. On ne peut demander à des médailles plus que ce qu’elles ont promis.

La confiance du président Mortier égalait donc celle du vénérable Putiphar, autre magistrat, connu dans l’histoire égyptienne pour avoir été l’époux d’une conjointe également très inflammable.

Parfois, Isidore (c’était le petit nom du ministre de Thémis ; bâillait à se décrocher la mâchoire dans une audience qui n’en finissait plus. En rentrant chez lui, le soir, il ne manquait pas de se dire :

— Dieu ! que ce Belvalli fait des réquisitoires interminables ! Lui et Saint-Brieux, voilà les deux plus intarissables robinets du parquet !

Il ignorait, dans sa candeur naïve, qu’un traité secret existait entre les jeunes complices.

Quand Belvalli était désigné pour une audience, il allait trouver Saint-Brieux :

— Tu sais, Augustin, c’est moi qui tient le crachoir, demain, à la vingt-cinquième chambre. Émancipe-toi. Je parlerai pendant trois heures.

— Merci, Edgard ; à charge de revanche.

Et Saint-Brieux, sûr de son ami, allait le lendemain voir la belle Mme Mortier. Il savait que, Belvalli occupant le siège du ministère public, l’audience finirait très tard.

Réciproquement, quand Saint-Brieux était chargé de requérir contre les justiciables d’Isidore, c’était Belvalli qui prenait du bon temps.

En vain M. Mortier disait :

— Mais, monsieur le substitut, la religion du tribunal est suffisamment éclairée : veuillez conclure.

Le jeune organe du ministère public consultait sa montre et répliquait imperturbablement :

— Monsieur le président est trop bon pour moi et trop indulgent pour ma faible éloquence ; cependant, comme il me reste encore à faire valoir quelques arguments qui édifieront tout à fait le tribunal, je ne puis me dispenser de les