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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/18

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LES TROIS COCUS


CHAPITRE II

CROQUIS DE PALAIS


Les deux jeunes substituts, Edgard Belvalli et Augustin Saint-Brieux, étaient les plus joyeux compères que jamais le parquet de Paris eût vus. Ils avaient le même amour, et, un beau matin, ils s’étaient aperçus qu’ils allaient mutuellement sur les brisées l’un de l’autre.

La ravissante Mme Mortier, épouse du président, était l’objet de leurs communs soupirs.

— Halte-là ! avait dit Augustin, je m’aperçois, mon ami Edgard, que tu es amoureux de la présidente.

— Pardon, avait riposté l’autre, c’est toi, camarade Augustin, qui roucoule pour la belle Marthe.

Ils s’étaient regardés une seconde, avaient éclaté de rire, puis avaient murmuré :

— Que nous sommes bêtes ! Au lieu d’user nos moyens stratégiques l’un contre l’autre, si nous faisions alliance pour nous emparer ensemble de la place ?…

Nouvel éclat de rire, peu respectueux pour le vénérable président de la vingt-cinquième chambre.

L’amour des deux jeunes substituts n’était pas une folle passion, mais bien un caprice d’écervelés.

La coquette qui avait allumé cette flamme à deux becs n’était pas du reste femme à s’offenser d’une campagne menée contre elle en partie double. Mme Marthe Mortier, adorable dans ses trente ans, était d’une bonté excessive, et, s’il lui était arrivé de succomber, cela avait toujours été par charité chrétienne et pour obéir au précepte « Faites pour autrui ce que vous voudriez qui fût fait pour vous-même. » Hollandaise et châtain clair, elle ne savait pas refuser.

M. Mortier, solennel dévot, ne se doutait de rien, cela va sans dire. On sait que les maris ont été créés et mis au monde avec les yeux dans leur poche.

Il était sûr de la fidélité de sa femme.

Et comment en aurait-il pu être autrement ?… Il faisait