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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/202

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LES TROIS COCUS


compatriotes, qui, de passage à Paris, étaient venus pour serrer la main à Robert et ne l’avaient point trouvé. Le père Orifice leur avait même donné à entendre que Laripette était mort. Ces Zoulous avaient fait la rencontre d’une troupe de montreurs de curiosités vivantes : un bon prix avait été offert de Pélagie, et l’autruche était devenue ainsi la propriété de la troupe Athanase Perrimet.

Tandis que Robert lisait les nouvelles reproduites d’après la Sentinelle de Tarbes, les saltimbanques venaient de leurs tentes à Argelès, chef-lieu d’arrondissement des Hautes-Pyrénées.

Athanase Perrimet était un ancien peseur de commerce de Bordeaux, bâti en hercule ; il s’était engagé dans une troupe foraine, où il jonglait avec des poids, ce qui lui faisait dire qu’il n’avait pas changé de métier. La femme du directeur était une colosse. Son mari étant trépassé, elle donna son cœur, sa main et ses formidables mollets à Perrimet, qui fut mis ainsi à la tête de la troupe.

Notre homme avait un caractère grincheux en diable ; mais cela ne l’empêchait pas d’avoir quelquefois des idées.

Ainsi, il imagina de transformer sa femme en négresse. La belle Rosalinde, dite la Pyramide d’Auvergne, devint la superbe Tatakoukoum, dite la Colosse du Soudan.

Le matin de chaque représentation, Athanase, armé d’un pot de noir et d’une brosse, cirait consciencieusement sa plantureuse moitié.

Un jour, il arriva à nos saltimbanques une bien curieuse aventure.

Perrimet et Tatakoukoum avaient vidé ensemble un nombre respectacle de bouteilles, et le cirage de madame n’avait, bien certainement, pas été fait avec toute l’attention nécessaire.

Le moment de l’exhibition arrive.

Le rideau se lève, la superbe Tatakoukoum paraît sur la scène.

— Mesdames et Messieurs, ainsi que vous, nobles militaires, commence-t-elle d’une voix flûtée, je suis la colosse du Soudan. Née au centre même de l’Afrique, je n’ai pas connu mon père ni ma mère ; comme Moïse, dont il est parlé dans les livres du moyen âge et des temps encore plus reculés, j’ai été abandonnée aux bords du Nil, mais dans les environs des sources mystérieuses de ce fleuve sans précédent dans l’histoire. Un couple de crocodiles, dont le fils unique avait été dévoré au sortir de l’œuf par un léopard carnassier, me prit en affection et m’adopta ; je tétai du lait