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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/48

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LES TROIS COCUS

cipita dans l’établissement. La bonne étant insuffisante pour le service, Paméla quitta son siège. Le cordonnier lyrique, alors, de poser son manuscrit sur le comptoir.

— Mademoiselle, fit-il avec un regard suppliant ; je vous en conjure, lisez mes vers, puisque vous ne voulez pas les écouter.

— Monsieur Pharamond, je ne demande pas mieux ; mais vous voyez vous-même que le devoir m’appelle.

— Soit, mais quand le coup de feu sera passé !…

Il allait mettre le pied sur le seuil de la boutique, lorsqu’il se ravisa. Il rebroussa chemin, et, comme un vulgaire client, il demanda un cabinet.

— Au numéro 13, monsieur Pharamond, répondit la voix claire de Mlle Dujasmin.

L’établissement avait repris sa physionomie habituelle. On entendait seulement les bruits que l’on sait, au milieu desquels le cabinet numéro 13 se faisait particulièrement remarquer ; mais ce n’étaient pas là des sons ordinaires. Le poète amoureux, qui n’était resté que pour la frime, poussait des soupirs à fendre l’âme d’un rocher. La belle Paméla, pour le coup, en fut vraiment attendrie.

— Comme il m’aime ! pensait-elle.

Les clients défilaient toujours, se succédant sans interruption ; le public se renouvelait constamment. Seul, le numéro 13 restait fermé, et les soupirs qui s’en exhalaient étaient de plus cri plus attendrissants.

Un des clients se présenta, la bouche en cœur et serra la main à la belle Paméla. Il prononça quelques mots tout bas. Mlle Dujasmin y répondit tout haut par cette phrase impérative :

— Finissez, monsieur Georges !

À quoi le client répondit par :

— Oh ! rien que ce mignon bouquet de violettes qui est à votre corsage !…

Les soupirs du numéro 13 cessèrent brusquement ; le cabinet s’ouvrit aussitôt et Pharamond parut. Il fit quatre pas, raide, sec, plissant la lèvre, posa ses cinq centimes sur le comptoir d’un air vexé, et sortit en faisant claquer la porte de la rue.

Le client qui avait réclamé un bouquet de violettes se mettait à rire ; mais Paméla lui coupa sa gaieté.

— Tenez, dit-elle, avec vos manières ridicules, voilà que vous êtes cause que M. Pharamond s’en va fâché !

Et, d’un geste péremptoire, elle ajouta :

— Puisque vous n’avez rien à l’aire, puisque vous n’êtes