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Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/62

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LES TROIS COCUS

— Cela va sans dire ; mais enfin vous pouvez mieux que moi évaluer son âge…

— Elle doit avoir de quinze à dix-huit ans… Je l’ai emmenée du Cap…

— Du Cap de Bonne-Espérance ?

— Précisément. Je devais la laisser à Londres. Pendant la traversée, elle s’est attachée à mai, à cause des soins que je lui donnais, et elle n’a pas voulu me quitter.

— Tiens, liens, elle est originaire du pays des Zoulous ?

— C’est une Zoulou te pur-sang.

— Intelligente ?

— Merveilleusement intelligente… Ce qui prouve que cette race est bien calomniée… Le matin, elle me demande son café au lait… Par exemple, c’est effrayant ce qu’elle avale de pain !…

— Boit-elle de la bière, des liqueurs fortes, comme nous autres ?

— Elle mange et boit de tout…

— C’est extraordinaire.

— Elle dort très bien la nuit,

— À propos, est-il vrai quelles dorment les yeux ouverts ?

— Qui vous a raconté cette bonne histoire ?… Je vous la ferai voir quand elle dormira ; vous constaterez qu’elle a les paupières fermées.

— Elle a donc des yeux avec des paupières ?

— Mais oui… Et même des paupières avec des cils ?

— Je n’en reviens pas… Autre chose : le culottage de pipes, c’est une farce, cela, hein ?

— Du tout, c’est la pure vérité… Seulement, c’est moi qui l’ai habituée à fumer… Elle est tellement gloutonne qu’elle m’aurait dissipé toutes mes rentes en frais de nourriture… Alors, comme le tabac, fumé à forte dose, combat l’appétit, je lui ai donné des leçons de pipe… Elle y a pris goût… Elle fume comme une locomotive… Du matin au soir, elle ne quitte pas sa pipe…

— Mais cela doit vous revenir fort cher, cette consommation de tabac ?

— Au contraire, cela me rapporte. Les pipes bien culottées se paient très cher.

— Allons donc !

— Je vous parle très sérieusement. Il y a des bureaux de tabac qui fournissent de quoi fumer à qui veut leur culotter des pipes neuves ; seulement il faut se contenter de mauvais tabac et fournir un culottage soigné… il y a même des fabricants de pipes qui paient pour ce travail-là…